Argentine : Pourquoi ses joueurs viennent en France !

Argentine : Pourquoi ses joueurs viennent en France !

1 juin 2020 0 Par sudo

Le mercato n’est toujours pas terminé et pourtant nombreux sont les passionnés de volley qui ont relevé l’arrivée atypique et massive de joueurs et de joueuses en provenance d’Argentine pour la saison 2020-2021 et qui nous en ont fait la remarque sur notre Forum ou sur notre Page Facebook. Il en est de même de l’autre côté de l’Atlantique où ce départ massif de joueurs est loin d’être passé inaperçu et fait l’objet de discussions. Nous vous proposons ci-dessous la traduction d’un article écrit par Santiago Gabari sur le site argentin Voley+ Plus qui nous offre une analyse détaillée et un début d’explication sur ce phénomène, vu du côté sud-américain.


Toutes les routes mènent en France, pourquoi ?

Au cours des deux dernières semaines, au moins une douzaine de joueurs argentins ont cassé leurs contrats avec des équipes de la Ligue Pro A. Une autre demi-douzaine ont également renouvelé leurs contrats et la plupart des Cubains qui faisaient partie de la Ligue argentine de volley-ball font également partie de cette liste. Au total, ils seront plus de 20. Nous allons vous expliquer pourquoi toutes les routes mènent en France.


Il est facile de dire que “pour de l’argent, le singe danse”. Et bien que ce soit un point fondamental de l’explication, ce n’est ni le seul ni le plus important : la France est-elle la meilleure économie d’Europe ? Pourquoi ne pas aller jouer en Allemagne ?

Il est clair qu’en Argentine, où la crise du pré-coronavirus COVID-19 a durement frappé plus de la moitié des équipes de la Ligue ACLAV (NDLR : Championnat Professionnel Masculin Argentin de Volley), on ne peut pas s’aligner sur les salaires des contrats qui seront obtenus en Europe pour la saison 2020/21. Vous avez bien lu, “pour la saison 2020-2021”.

La Ligue argentine, quand elle paie, paie assez bien. C’est un point important pour comprendre ce qui se passe et pourquoi beaucoup de joueurs jouent encore en Argentine. L’économie mondiale était saturée. Expliqué de manière très simple, à Wall Street ou sur les places boursières asiatiques, beaucoup de sociétés dites “sûres” n’avaient plus de marge d’achat et de vente en raison des valeurs élevées qu’elles avaient atteintes. La même situation se produit au sein de la Ligue Argentine. La surévaluation, valable dans ce jeu de l’offre et de la demande, avec quelques efforts et quelques reports, finissait dans la plupart des cas par payer. Mais dès qu’il y a eu un manque de liquidités… Kaput.

Et le coup final en matière économique a été donné par la pandémie. Si, au plus fort de la compétition, peu d’équipes peuvent garantir un salaire; si, alors que deux ou trois équipes commencent la pré-saison, les autres n’ont pas encore confirmé leur présence dans la compétition ; si tout l’argent de l’État est désormais réuni en un seul endroit… alors qui obtiendrait un contrat en 60 jours pour les 10 prochains mois ?

La France est la première compétition à entrer sur le marché chaque saison. En décembre, elle avançait déjà avec quelques chiffres et en janvier, elle concluait des accords. Bien sûr, dans un contexte sans pandémie, certains joueurs auraient reçu des offres d’autres pays. Mais ici, il y a une deuxième raison qui apparaît : en France, comme en Allemagne, les équipes savent combien elles peuvent dépenser et elles ne dérogent plus. Elles savent quelle est leur limite pour payer pour un attaquant, combien elles peuvent dépenser pour un pointu qui fait la différence et elles savent ce que chaque joueur vaut. Elles ne vont pas payer 100 pour un joueur qui a coûté 50 la saison dernière. Et dans ce contexte, le joueur argentin est “bon marché”.

Nous avons donc déjà la première raison qui est la rapidité avec laquelle la France arrive sur le marché. La seconde est que, saison après saison, à l’exception de la participation à certaines Coupes d’Europe, qui impliquerait davantage de déplacements et peut-être un apport supplémentaire, les budgets sont pratiquement identiques. Il est très inhabituel que cela change à cause d’une simple ambition ou parce qu’ils ont obtenu une plus grosse somme. Contrairement à l’Argentine, l’État est garant, mais s’il doit rembourser des dettes, le club doit le faire avant le début de la saison suivante.

La troisième raison est le niveau du joueur argentin. Pour qu’un marché s’ouvre, il faut non seulement un agent qui sache comment procéder, mais aussi un joueur qui dispose des arguments nécessaires pour défendre cette proposition. Le projet de développement français a placé son équipe masculine sous les feux de la rampe internationale au cours des dernières années. Il s’est passé quelque chose de similaire avec l’Argentine, alors que certains joueurs ont amplement répondu aux attentes et ont réussi à rester dans la compétition en se reposant sur la discipline technique et tactique. Ces deux derniers éléments fondamentaux que de nombreux entraîneurs argentins soulignent chaque fois que l’équipe nationale cherche à faire un coup, ne sont pas mineurs : le joueur argentin s’est avéré être aussi bon ou même au-dessus de beaucoup d’autres. “Ce que l’Argentine a réalisé lors de la dernière Coupe du monde, avec beaucoup de joueurs, a époustouflé de nombreux entraîneurs qui sont habitués à voir des joueurs qui ne font que sauter et frapper fort”, a commenté une source anonyme à Voley Plus.

Bien sûr, la pandémie est également en cause. En Italie, ils cherchent encore des moyens de surmonter la crise sanitaire et de rembourser d’une manière ou d’une autre les dettes contractées par les accords commerciaux inachevés en raison de cette situation. En Allemagne, où la culture administrative est primordiale, il y a déjà trois clubs qui mettent un frein à leur participation en quête de souffle et afin de ne pas mettre en péril l’avenir du club qui s’est construit année après année. En Pologne, où se trouveront au moins Pablo Crer et Javier Concepción (de Obras al Olsztyn de Daniel Castellani), le mercato national fait beaucoup de bruit et il y a aussi plusieurs joueurs locaux qui ont choisi de revenir à la PlusLiga (NDLR : Championnat Professionnel Masculin Polonais) par crainte de la propagation du coronavirus dans d’autres pays européens.

Donc oui, la clé fondamentale, c’est le grappin. La France est pressée de disposer en premier lieu de ses renforts potentiels. Les saisons précédentes, au moment de la signature, le joueur avait d’autres propositions européennes sur lui ou la Ligue argentine qui essayait de conserver une certaine figure. L’Europe étant morte et l’économie nationale étant en panne, dans un contexte où les bases de la compétition en volley-ball font l’objet de débats, la seule chose que les clubs de la Ligue Pro A doivent faire est de mettre le contrat sur la table.

Alors que personne ne sait quand il sera possible de jouer à nouveau, ils se sont empressés de conclure tous les contrats et, outre le fait qu’il s’agit de l’une des ligues les plus compétitives au monde, ils ont tous préféré la sécurité et avoir un contrat dans une monnaie qui, tôt ou tard, fera la différence grâce à la dévaluation quotidienne du peso argentin.

En tout cas, “chapeau” pour l’importante progression sportive et économique que cela représente pour la quasi-totalité des joueurs. “Chapeau” pour la Ligue argentine qui a su aussi construire le potentiel de chacun de ces garçons qui aspirent à un meilleur destin. Une alerte pour ce qui reste, ce qui est à venir et pour le vide dans les clubs qui ne verront pas deux sous de ces transferts.

sudo